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mercredi 12 mars 2014

Déjeuner sur le béton

C’était un mois de mars. Depuis quelques jours, le soleil avait pris en pitié le teint blafard des parisiens. Les citadins avaient retrouvé le sourire et fourmillaient vers la moindre tâche verte où se poser, le moindre banc où rêvasser.


Un élan de convivialité envahit les open-spaces, baignés par cette lumière faussement printanière. On se mit à improviser des déjeuners en terrasse, des repas auxquels le soleil donnerait un goût d’amitié. 

13H00- Les rayons sont au rendez-vous. Le port des lunettes préconisé. Sophie sort sa toute dernière paire anti-UV. La collection signée Chanel fait son petit effet auprès des collègues. Elles embranchent chacune leurs précieuses paires de verre sur le nez. Sophie en a plusieurs modèles : Sa complémentaire santé lui offre un  budget optique de 1200 euros l'année. Elle s'est fait plaisir, faut en profiter...

Les plats servis, on parle de tout, des vacances qui se dessinent pour cet été. Sophie part 1 mois en juillet, elle voudrait sous-louer sa chambre pendant son voyage. Pourquoi payer un loyer alors qu’elle sera à l’étranger ? Avec toutes les demandes de logement sur la capitale, elle a moyen d'empocher, faut en profiter…

Les amis de chaque midi lui conseillent de publier une annonce. Sophie fait la grimace, elle n’est pas rassurée. Elle se souvient de sa tante et de ses soucis de loyers impayés. Elle préfère louer à une personne de confiance : Les gens ne payent pas leur toit, ils savent qu’on ne pourra pas les expulser. Le système est en leur faveur, dans ce pays d'assistés. Faudrait qu'ils arrêtent de toujours vouloir en profiter… 

jeudi 21 juin 2012

Le Marché aux Coeurs

Le marché aux cœurs a lieu tous les jours, à toutes heures, partout, tout le temps.

C'est un marché où les étals s'étalent dans les dédales des allées, à perte de vue.
Les chalands hèlent le passant en martelant d'un hachoir rougissant la planche humide.
Y sont disposées en ordre anarchique, des marchandises aux qualités diverses.

Et l'on tâte et l'on soupèse, l'on hume le fumet discret du coeur d'artichaut, celui plus vif du coeur de veau, et sur l'étal se mèlent les liquides qui s'étalent et s'écoulent, lacrymals ou animals dans un brouhaha chaotique.
L'on voit parfois certains partir au loin tenant tout serré contre eux leur marchandise nouvellement acquise, courant à perdre haleine de peur qu'on la leur vole. On les verra pourtant revenir un peu plus tard, le regard hagard chercher sur les étals le coeur qu'ils ont perdu de l'avoir trop serré.

A la fin du jour, tout ne sera pas vendu. Il restera les rebuts, les desséchés. Ceux dont le jus n'aura pas trouvé preneur. Certains seront passés dans de nombreuses mains, échangés, tâtés, soupesés, humés puis reposés sur la planche froide du boucher. Certains des plus beaux morceaux du matin, seront au soir des pièces avariées dont personne ne veut plus.

Au matin, pourtant, aux premiers frissons du soleil, à grandes eaux blanches les sols sont lavés de leurs souillures passées, et tout est à recommencer.
Et l'on crie et l'on hèle, on fait la réclame de ces cœurs plus vifs et plus frais que ceux de la veille.

Le marché aux cœurs a lieu tous les jours, à toutes heures, partout, tout le temps.


Par Le Vicomte du bas de la rue


mardi 8 mai 2012

Lettre du vicomte reçue ce 08 Mai

Il demeure derrière les grands cyprès. Nous nous croisons trop peu souvent.
Le temps de mon absence,  il semblerait qu'il eut aimé se confier.
Personne au château. Le vicomte m'a glissé ses pensées au fond de la boite aux lettres.
Je me permets de vous les partager...



"Nadine, dans la nuit du 6 au 7 Mai 2012, des milliers de gens se sont
réunis, sous les auspices du génie de la Bastille pour célébrer la
défaite de ton candidat préféré. Ils ont, pour certains, fait flotter
au vent des drapeaux qui n'étaient pas le tien. Algériens, Marocains,
Grecs même, ces drapeaux s’entremêlaient alors avec le notre. Et
cela, ma chère Nadine t'a profondément émue, profondément choquée.

Je le comprends bien, ma chère Nadine, et je compatis de tout cœur à
ton désarroi.Tu croyais si fort à la France forte, qui respectait les
ministres de la république et faisait, à coup de procès pour outrage
entendre raison à la plèbe ignorante du respect qui t'était dû.

Pourtant, ma chère Nadine, Il est d'autres patriotes, qui en d'autres
temps ont su porter la France dont aujourd'hui tu
t'enorgueillis. Antimilitaristes, communistes, anarchistes pour
certains, ils ont su pourtant tuer, quand leurs temps fut venu, à la
balle et au couteau pour qu'aujourd'hui tu te drapes dans leur
drapeau. Ils ont su, librement laisser couler leurs vies, eux qui
n'étaient même pas français, pour que tu puisses aujourd'hui te draper
dans leurs linceuls.

Le jeune Guy, mort à 17ans, auprès de ses camarades communistes aurait
sans doute l'âme blessée de te voir ainsi souiller le drapeau pour
lequel il est mort. De même que Celestino Alfonso,espagnole, Olga
Bancic, roumaine, Joseph Boczov, Hongrois, et tant d'autres, morts
pour la France et dont tu souilles aujourd'hui l'âme en ne
reconnaissant pas le droit à d'autre que de ton sang de célébrer la
France.

Ma France à moi, celle que je chéris et celle que j'aime, fait France
de tout bois, s'enrichit et se renforce du sang impur qui, à divers degrés
coule dans nos veines.

Cette France que j'aime c'est celle qui a su, dans les maquis, dans
les usines, prendre les armes quand d'autres comme toi en
appelaient à la Patrie, au Travail, à la Famille pour mieux courber
l'échine devant le joug de l'oppresseur infâme.

Cette France que j'aime, c'est celle du Général Leclerc qui entra dans
Paris à la tête de la Nueve, reste de l'armée espagnole ayant combattu
Franco. Cette France là, celle que j'aime, c'est la France éternelle,
joyeuse, riante, accueillante et libre, libre enfin !

Cette France que j'aime, ma chère Nadine, ne t'en déplaise, résistera
toujours au replis sur soi que tu appelles de tes vœux. Elle restera,
libre et éternelle pour que dans chaque barricade dressée
devant l'oppression, d'où qu'elle vienne, se dresse fièrement le beau
drapeau tricolore, dont, une fois n'est pas coutume, Nadine, je me
drape, en souvenir de ceux qui sont tombés pour elle."

Paris, le 8 Mai 2012.
Le Vicomte du bas de la rue

mardi 27 mars 2012

A part ça tu fais quoi ?


A l'arrière de mon château de pacotille, il y avait l'atelier. 
Ma tanière d'où s'échappaient des bulles de verre.
Elles ont vadrouillé, virevolté.
Certains se sont émerveillés quand elles se posaient.
Les lèvres qui sourient comme un bambin, arrêtant de respirer de peur qu'elles n'éclatent.


Parfois le visiteur se prend à raconter son émotion.
Il décrit ce qu'il perçoit à travers les bulles façonnées.
Il cherche les mots qui disent la douceur...
Des mots qui mettent de la couleur aux heures passées à tâtonner.
Mettre un visage sur l'élan qui mène à créer.


Puis vient l'heure d' envelopper soigneusement,
les bulles regonflées à bloc par les encouragements.
Elles vont retrouver l'atelier, rouler sur le sol scintillant des débris du verre passé...
Les yeux émerveillés avaient les poches vides.
Ceux qui les ont bien remplies portent souvent des lunettes, bien trop sombres pour voir le translucide.


A l'arrière de mon château de pacotille, il y avait l'atelier ;
J'y ai mis 3 tours de clef par peur de me couper, les vivres avec et l'électricité.
L'épuisement de se battre avec leurs papiers et jamais de case à noircir.
Des chiffres, toujours du chiffre qui grignote le temps pour créer.
Ce qui n'est pas rentable, tout juste bon à provoquer leurs rires.


Pour étancher la soif, il nous resterait les palais.
Là où pour déambuler il faut verser la pièce.
Des maîtres en la matière qui rédigent la notice, par crainte que ne viennent jamais les yeux contemplatifs.
De longs discours pour leurs oeuvres que nous ne cesserons de payer,
à coup de restauration qui ne les fera jamais briller. 


jeudi 1 mars 2012

Tailler la Zone


Dans mon château de pacotille, des voix comme celles de Gainsbourg ou Bashung font souvent trembler les murs.
Mais il y en a un qui se plaît à squatter ma mémoire en jouant son « Tailler la zone. »
Un seul titre, que Souchon prend un malin plaisir à faire tourner sur les ondes FM de mon oreille interne.
Comme un juke box qui sélectionne depuis plus de dix ans le même morceau.
A la vue d'un stylo pour signer, au premier click pour valider, la machine s'actionne pour attraper le vinyle.
 "Va pas faire comme les gens, vivre à cause de l'argent, on laisse tout, on taille la zone."

Alors forcément, mieux vaut ne pas trop s'encombrer pour tailler la zone...
Tout juste un baluchon, à faire et à défaire.
A refaire en y ajoutant le dernier coup de coeur.
Ne pas trop craquer, ne pas accumuler, ni se disperser...
Un château peut voler en cartes et tout doit pouvoir rentrer dans un sac.
Toujours le même sac, qui lui garde la même taille !
La fermeture éclair résiste tant bien que mal.

Et voilà La petite tête blonde qui veut y rajouter son grain de sel.
Ça ne prend pas beaucoup de place un grain de sel !
"Dans la poche de doudou, regarde...ça passe..."

Et puis Souchon qui me fredonne toujours à l'oreille.
"Rappelles toi, il faut pouvoir tailler la zone...
Quand on veut, on jette les clefs sous le paillasson ! "
La blondinette ne connaît pas Souchon.
Elle dessine en tirant la langue, elle danse au rythme de ses rires.

Ce matin, elle préfère regarder ses dessins animés.
C'est Monsieur Free qui lui en a offert pendant quelques semaines.
Il ne connait pas les règles de politesse le bougre...
Il a repris le cadeau !
La petite a « Un sourire un peu triste, j'ai senti fraise-cassis. »
Souchon qui ne veut pas se taire...
« Je savais qu'c'était minable, j'me suis abonné au cable, on taillait pas vraiment la zone.»
L'écran  me demande si je veux m'abonner à cette chaîne.
Allez, juste une chaîne...c'est pas encore le câble, une chaîne...

Chante moins fort Alain...
La petite regarde ses dessins animés !




lundi 20 février 2012

Je l'aimais sans le savoir *


Un rapide coup d' oeil dans le miroir, le temps de réajuster le noeud de cravate.
Les traits sont tirés, les yeux boursouflés, mais les marques de la vie s'estompent avec la fine pellicule de maquillage.

« Elle n' y verra rien ! »

Pour les fils grisonnants qui parcourent la chevelure, ça lui donne de la consistance... Et les hommes aux tempes cendrées les font toutes craquer. Quand on n'a pas les atouts d'un de ces tombeurs, il faut la jouer fine, stratège...elles ne s'évanouissent pas comme ça dans vos bras. Il faut une sacrée dose de charme, quitte à s'en inventer !

« Ça va aller...ça va passer...ça DOIT passer »

Elle va lui pardonner, c'est sûr !

Elle comprendra qu' il n'avait « pas le choix », qu'il a besoin d'une deuxième chance. Que cette fois ci il va la choyer.
Fini toutes ces bouffes avec les copains, fini les fréquentations douteuses... Et puis les temps sont durs, c'est ce que martèlent les gros titres. Autant en profiter pour lever le pied et passer un peu plus de temps ensemble, sans fioriture.

Elle s'est sentie délaissée, il va lui chuchoter des mots qui font frémir. Il sait faire...
Si elle a toujours peur, il la rassurera. Puisqu'il est là, il ne peut plus rien lui arriver. Elle peut lui faire confiance, une dernière fois !

« Et puis regarde autour de toi, tout ne va pas si mal, on s'en est bien sorti finalement. Par rapport à d'autres... »

Derrière la porte, l'agitation se fait sentir : Ce monde, pas vraiment l'idéal pour une déclaration d'amour ! Il se regarde, encore une fois.
Il déroulera ses arguments, avec méthode, sans sourciller. Peut être qu'en jouant d'un petit trémolo dans la voix, il la fera basculer.

Il est prêt, il en est sûr ! On ne laisse pas s'échapper un si bon parti. Il doit la reconquérir !

15H05, la demoiselle risque de s'impatienter.

Il déverrouille la porte. Les acclamations sont maintenant audibles ; Il distingue les mots, comme des encouragements. Cette foule acclamant son nom lui décroche un sourire satisfait. Tout juste le temps de le ravaler, ne pas oublier que l'heure est grave ! « Nicolas, Nicolas, Nicolas... »


Un sursaut de l'épaule trahit son émotion. Il aime ça . 


* "Au fond, j’aimais la France sans le savoir." Nicolas Sarkozy lors de son discours à Marseille le 19 février 2012


jeudi 2 février 2012

Résistance

Il va falloir être créatif, trouver un échappatoire, attraper une bouée qui s'est envolée à la dernière bourrasque.
La morosité tournoie tout autour. Ça dégouline à en devenir répugnant.

J -94

Avoir l'espoir ou la naïveté, telle une électrice vierge de tout bulletin qui lui aurait souillé les pattes, que tout autour ne sera pas éternellement juste bon à chialer.

Un léger répit de quelques semaines pour s'y croire, quelques inspirations haletantes en imaginant qu'un soir de résultat, ce pourrait être notre tour.
Ce n'est pas que je sois grabataire, après tout je n'ai que deux défaites à mon actif... Mais faut voir comme ils en parlent, de Leur 81 !
Pour autant, je la leur laisse aux parents, leur version fadasse du candidat 2012.
Sans doute ai je ingurgité trop de discount pour ne plus supporter le manque de saveur.

Qu'ils me pardonnent !

Peut être que... si j'avais su le travail sans peur, la baraque coup de coeur  pour faire pousser la marmaille, les vacances estivales.
Peut être que... si je n'avais pas su les lettres de sur-motivation pour une place sous-payée, les chenilles dans les cages d'escaliers pour une lugubre studette, les crédits à offrir en chèques aux créanciers.

Ma marmaille à moi, je lui souhaite la seule galère romantique, celle qu' on effleure quand on commence à s'aimer dans la chambre de bonne. Je lui réclame du goût, des yeux qui pétillent en s'imaginant l' à venir.

Alors j' irai, le poing levé, me faire ma place où je puisse nicher les petits.
Un nid douillet où leur servir la becquée, suffisamment large pour y dresser de grandes tablées. J' y perçois de franches rigolades, la fin des longs discours où chacun dit comment il y a laissé des plumes. 

J -94

Avoir l'espoir ou la naïveté, telle une électrice vierge de tout bulletin qui lui aurait souillé les pattes, que ce soit notre tour.

Place au Peuple